Pierre de Bousquet de Florian, préfet du Pas-de-Calais : « Que voulez-vous dire par "zones noires" ? Ce terme n'est pas administratif. Il a été employé en Charente Maritime et en Vendée, après Xynthia, pour décrire des endroits où toutes les habitations devaient être détruites. Il ne s'agit pas du tout de ça dans le Pas-de-Calais. Il n'y a pas de "zones noires" chez nous mais des zones à risques qui font l'objet d'un plan de submersion marine. Ces zones sont principalement situées sur le littoral mais également sur le domaine des wateringues.
Je tiens à préciser tout de suite que nous n'avons attendu ni Xynthia ni le plan de l'État pour, dans le Pas-de-Calais, nous préoccuper des submersions rapides. En d'autres termes, nous n'avons pas tout découvert il y a un an. Depuis plusieurs années, ont été prescrits des plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) et plans de prévention des risques du littoral (PPRL) à l'initiative de l'État, tandis que plusieurs communes ont établi des plans communaux de sauvegarde. » Qu'en est-il du plan prévu par l'État ?
« Ce plan comprend quatre volets. Le premier volet est un volet d'urbanisme. C'est là où se situent les PPRI et PPRL. » Ces plans de prévention se présentent comme des calques qui délimitent des zones en fonction du risque encouru... « Oui... pour simplifier. En fait il s'agit d'un zonage des sols qui détermine des zones qui risquent d'être couvertes par une submersion. Plusieurs zones sont délimitées à la fois par rapport à la nature du risque encouru et par la période de retour. On a coutume de parler de risque décennal pour une crue qui se manifeste tous les dix ans, centennal pour une période de retour de cent ans, et millénal pour mille ans. Les services de l'État ont réalisé une étude de détermination de l'aléa de submersion marine. Pour le littoral du Pas-de-Calais, seuls deux épicentres sont estimés comme étant prioritaires. Il s'agit de Sangatte et Oye-Plage. » Ces deux priorités ont été dressées en raison de l'état de la dune d'Oye et de la digue de Sangatte ?
« À Sangatte, le risque est effectivement dû à une rupture de la digue, et à Oye-Plage à une rupture de la dune. Nous estimons que la dune d'Oye-Plage est prioritaire dans la mesure où elle protège plusieurs centaines d'habitations. Je tiens à préciser que ce degré de priorité n'exclut pas qu'on fasse les autres PPRL. J'insiste en effet pour que ceux-ci, qu'il s'agisse de Wissant ou de Groffliers, avancent en même temps que ceux de Sangatte et d'Oye-Plage. » Quand les PPRL seront-ils prescrits ?
« Tous les PPRL seront très certainement prescrits, c'est-à-dire "ouverts" en 2011. Les deux prioritaires, zone d'Oye-Plage et zone de Sangatte, devront être approuvés, c'est-à-dire achevés, avant fin 2013. Nous essaierons de conduire les autres PPRL dans le même temps. » Certains PPRL sont-ils déjà prescrits ?
« Actuellement, des PPR sont prescrits pour les trente communes littorales du département, mais sont très peu, voire quasiment pas, avancés. Nous étions en effet dans l'attente d'études visant une meilleure appréciation des aléas. Cette nouvelle cartographie des aléas conduira certainement à redéfinir plus précisément les zones à couvrir par un PPRL, ce qui conduira à une déprescription dans les trente communes pour une represcription selon le nouveau périmètre découlant des études. » Comment s'articulent ces PPRL avec la loi littoral ?
« Ils ne s'articulent pas. Il s'agit de deux choses différentes. Un PPRL va par exemple délimiter des zones où on n'aura pas le droit de construire, où on aura le droit de construire un hangar à bateau mais pas une habitation, etc. Le PPRL n'est pas lié à la loi littoral qui est principalement une interdiction de construire dans la bande des cent mètres. » Dans quel état sont les protections naturelles et autres digues du littoral pas-de-calaisien ?
« Ma réponse ne va pas vous satisfaire, mais c'est la réalité : elles sont dans un état variable. La dune d'Oye-Plage est bien là. Elle mesure 25 mètres de large et se recharge bien. Elle n'est pas spécialement attaquée mais, immédiatement derrière, il y a un gros lotissement avec 350 maisons environ.
Ce n'est pas le cas de la dune de Groffliers par exemple ou, derrière, il n'y a que des pâtures. La problématique est différente. Il est certain que la dune aval de Wissant se fragilise. Pour ce qui est des digues, certains équipements sont abîmés, comme le perré de Wissant, d'autres sont anciens comme la digue de Sangatte. » J'ai lu que près de 90 % des ouvrages naturels et 25 % des digues nécessitent une intervention à court terme, voire en urgence.
« Ce n'est pas exact. Ce ne sont pas des chiffres de l'administration. Nous sommes très attentifs à l'état des digues et des protections naturelles.
Entre 2011 et 2016, l'État va injecter plus de 500 millions d'euros. Cette somme n'est pas répartie. Elle est faite pour répondre aux demandes, en fonction des travaux prévus par les maîtres d'ouvrage. » C'est-à-dire qu'un maître d'ouvrage, estimant qu'il est nécessaire de consolider sa dune ou sa jetée, peut ainsi faire appel à l'État pour l'aider à financer ses travaux ?
« C'est ça. » Sans lien avec le PPRL ?
« Non. C'est autre chose. » Justement, n'y a-t-il pas quelque difficulté à déterminer la propriété et la maîtrise d'ouvrage de ces équipements de protection, qu'ils soient naturels ou non ?
« Pas du tout. La loi est très claire. Ces ouvrages sont à la responsabilité du riverain. Les communes disent ne pas être assez fortes. Les communautés de communes ne prennent pas la compétence. Le conservatoire du littoral refuse de s'en occuper. Le Conseil général ne semble pas intéressé et le Conseil régional n'a pas voulu prendre la maîtrise d'ouvrage. Il n'en reste pas moins que, depuis Napoléon, l'entretien de ces ouvrages incombe au riverain.
» C'est-à-dire d'après un édit rédigé en 1807 qui affirme que c'est au riverain de se protéger de la mer. La plupart du temps, ce riverain est le propriétaire qui, souvent, est la commune.
« Je répète : aujourd'hui c'est le riverain qui est responsable. » Les dunes par exemple, n'appartiennent pas à l'État ?
« Non. Le domaine public maritime est couvert par les plus hautes eaux. Fort heureusement, les plus hautes eaux ne couvrent pas le sommet des dunes. » Les dunes, les digues, les épis... Tout cela est donc de la responsabilité des communes ?
« Oui. Le plus souvent, tous ces ouvrages de protection ont été construits par le riverain même s'ils l'ont été sur le domaine public maritime. Il ne faut pas trop se crisper sur la question de la propriété. Ce qui est important c'est le riverain. » Mais Wissant, par exemple, n'a sans doute pas les moyens financiers ni les capacités humaines pour refaire son perré.
« Wissant doit s'adresser à sa communauté de communes. Ce qui est certain, c'est que l'État ne prendra pas en charge la responsabilité de ces travaux. Nos élus ne sont pas seuls. Nos fonctionnaires sont extrêmement mobilisés sur ce sujet.
Le troisième volet voulu par l'État est l'aspect prévention et gestion de l'alerte. Seuls l'État et Météo France interviennent à ce niveau afin d'alerter le plus rapidement possible. Nous nous basons sur les prévisions de Météo France et des mesures qui nous permettent de prévenir quand l'eau monte, quand la dune bouge, etc.
Le dernier volet relève de la culture du risque. Les communes doivent mettre en place des plans communaux de sauvegarde expliquant qui doit faire quoi en cas de problème : quelle salle on ouvre, qui apporte les couvertures, etc. Sur le territoire qui nous intéresse, 160 communes doivent établir un plan communal de sauvegarde. Seul un tiers l'a fait. Ce qui signifie que deux tiers ne l'ont pas fait. Je relance périodiquement les communes. Ce plan communal de sauvegarde sera obligatoire dès lors que les PPRI et PPRL seront réalisés, c'est-à-dire avant 2014. » Dossier réalisé par A.TH.