Héquette, A. and Cartier, A., 2016. Theoretical and observed breaking wave height on a barred macrotidal beach: implications for the estimation of breaker index on beaches with large tidal range. In: Vila-Concejo, A.; Bruce, E.; Kennedy, D.M., and McCarroll, R.J. (eds.), Proceedings of the 14th International Coastal Symposium(Sydney, Australia). Journal of Coastal Research, Special Issue, No. 75, pp. 861-866. Coconut Creek (Florida), ISSN 0749-0208

 

1. Contexte de l'étude

L’étude et l’analyse des vagues, de leurs formes et de leurs caractéristiques, sont des notions fondamentales dans le domaine de l’aménagement côtier. Il faut avoir à l’esprit que les vagues se comportent différemment au large et à la côte, en passant par des zones intermédiaires. Il est souvent plus facile d’obtenir des informations sur la houle au large que sur l’estran (zone qui découvre à marée basse). En effet, au large, de nombreux services hydrographiques ont installé des bouées mesurant une multitude de paramètres tel que ceux qui décrivent la houle, à savoir, sa direction, sa période (temps entre deux crêtes de vagues) et sa hauteur (Figure 1).

Cependant, il subsiste un paramètre qui n’est pas mesurable au large puisqu’il se produit uniquement à la côte, c’est le déferlement et notamment la hauteur de la houle au moment du déferlement (Hb). Qu’est-ce que le déferlement ? Pour faire très simple, c’est quand la houle arrive à la côte et qu’elle vient « frotter » sur le fond, engendrant une différence de vitesse entre la base (ralentissement lié au frottement) et la crête de vague qui vient alors s’écraser. Il existe donc un rapport entre la hauteur de la vague (H) et la profondeur d’eau (h) (Figure 1). Ce rapport de H/h est ce qu’on appelle le critère de déferlement. Théoriquement, à partir d’une certaine valeur de ce ratio, on peut dire que la vague déferle ou ne déferle pas.

Pourquoi étudier ce phénomène? Car il est fondamentale dans la compréhension du fonctionnement du littoral et des dimensionnements d’ouvrage de défense, ainsi que dans la modélisation (=simulation) de l’évolution des plages.

4. Méthodologie

Quelle a été notre méthode ? Rappelons que nous devons comparer des mesures du ratio H/h ou de la hauteur de houle au déferlement avec des formules mathématiques sensées les déterminer.

  • deux instruments hydrographiques ont été déployés, un sur la plage et l’autre dans les petits fonds à -5m (celui-ci n’est jamais découvert à marée basse). Ils ont mesuré les caractéristiques de la houle pendant plusieurs jours d’affilé;
  • nous avons récupéré les données de la bouée hydrographique de Westhinder situé à 30km environ au large (données disponibles en ligne ici)
  • un suivi au GPS de la morphologie de la plage pour pouvoir obtenir, l’altitude du sable, et la pente de la plage, données nécessaires pour les calculs;
  • un suivi vidéo des mesures. En effet, si nous voulons étudier les paramètres de la houle au déferlement à partir des mesures réalisées sur la plage, nous devons savoir quand le déferlement a lieu au-dessus de l’appareil.

La figure 2 ci contre, montre de longues bandes blanches correspondant au déferlement des vagues. Les zones sombres indiquent que la houle ne déferle pas. Connaissant la position des appareils sur la plage, nous savons exactement quelle est la hauteur d’eau et la hauteur des vagues quand il y a le déferlement, nous connaissons donc le ratio H/h.

 

5. Résultats

Caractéristiques générales de la houle

Figure 1: Caractéristiques générales de la houle

2. Objectifs de l'étude

Nous sommes partis d’un constat simple, il existe quasiment autant de ratio H/h que de plages dans le monde, et autant de formules mathématiques pour le calculer. En effet, la dynamique du littoral peut être très différente d’un lieu à un autre. Le littoral du Nord Pas-de-Calais est lui aussi particulier en raison de:

  • ses grandes marées (macrotidales);
  • ses larges plages de sables fins et de faible pente;
  • la présence de la mer du Nord et de la Manche qui sont des mers étroites, et peu profondes;
  • ses nombreux bancs sableux du large qui modifient énormément la propagation de la houle;
  • ses conditions énergétiques relativement faibles (hauteur de houle moyenne plutôt réduite, entre 0,5m et 1m).

Le ratio H/h est fortement influencé par ce contexte, c’est pourquoi il est nécessaire de le quantifier spécifiquement, et de manière empirique pour notre site d’étude.

Le but de l’étude est donc de comparer des mesures de la houle au déferlement réalisées sur l’estran avec plusieurs formules mathématiques afin d’évaluer laquelle est la plus adéquate pour notre secteur d’étude.

3. Le site d'étude

Le site d’étude correspond à la plage de Zuydcoote situé à l’est de Dunkerque (59) dans le Nord de la France.

Le site est défini par une plage de faible pente situé à proximité de l’hôpital maritime de Zuydcoote. La plage est caractérisée par du sable fin (grain moyen de 0,20 mm) et par une succession de barres et de bâches, système caractéristiques des plages du Nord de la France

Figure 2: Exemple de photo moyennée mettant en évidence les zones de déferlement (en blanc)

Figure 2: Exemple de photo moyennée mettant en évidence les zones de déferlement (en blanc)

Nous connaissons donc les caractéristiques de la houle pendant le déferlement. Notons que la houle déferle à partir d’un ratio H/h = 0,20 jusqu’à H/h = 0,48. Ces résultats sont déjà importants puisque de nombreuses études estiment que la houle déferle à partir d’un ratio de 0,70 (Mc Cowans, 1894) ou légèrement en dessous.

Nous allons donc pouvoir comparer ces mesures avec des calculs théoriques de ce ratio et de la hauteur de la houle au déferlement (Hb). Comme on le précisait précédemment, il existe une multitude de formules qui ont été élaboré en laboratoire ou sur d’autres plages. La figure 3 ci-dessous vous montre un petit aperçu du nombre de ces formules.

Ces formules semblent compliquer mais il « suffit » juste de remplacer chaque terme par la valeur correspondante. D’une manière générale, il faut connaître les paramètres de la houle au large, la pente de la plage, la longueur d’onde des vagues et quelques paramètres un peu plus spécifiques.

Si vous regardez bien le tableau ci-dessous, vous remarquerez une colonne « Applicability », c’est à dire, le domaine d’application de chaque formule. En effet, ces formules sont empiriques, c’est à dire développé à partir de mesures réalisées dans des environnements bien particulier (« Study conditions »). Certaines sont applicables uniquement pour une gamme de pente de plage, ou pour certaines gammes de hauteur de houle. Nous devons donc faire une sélection des formules qui sont applicables sur notre site d’étude. Nous en avons sélectionné 8:

  • Le Méhaute et Koh (1967)
  • Komar et Gaughan (1972)
  • Van Dorn (1978)
  • Khamphuis (1991)
  • Smith et Kraus (1991)
  • Rattanapitikon et al., (2003)
  • Rattanapitikon and Shibayama (2006)
  • Goda (2010)
Figure 3: Exemple de formules mathématiques pour calculer le ratio H/h (Robertson et al., 2013)

Figure 3: Exemple de formules mathématiques pour calculer le ratio H/h (Robertson et al., 2013)

La figure 4 à droite montre un exemple des résultats issus des comparaisons entre la hauteur de la houle au déferlement (Hb) mesurée et calculée.

Les graphique montre que les formules surestiment systématiquement la hauteur de la houle au déferlement. Elle est parfois 2,5x plus grande que celle qui a été mesurée. Une surestimation de la houle au déferlement peut avoir des conséquence non négligeable lorsque l’on utilise cette donnée pour des calculs de transport sédimentaire par exemple.

Nous avons également déterminé si la relation statistique est plus ou moins bonne (utilisation du coefficient de détermination R² où plus R² est proche de 1, plus la relation est bonne). Les R² peuvent être parfois très bon (0,80) mais la surestimation est toujours trop importante…

Comment réduire cette surestimation?

Une phase exploratoire des formules et des données a été réalisée et nous nous sommes aperçu que ces formules se basent principalement sur la hauteur de la houle au large. Pour ce faire, nous avions donc utilisé les données issus d’une bouée située à 30km au large (Westhinder). Or, entre la côte et le large, il y a une multitude de bancs de sable susceptible de perturber la forme, la vitesse, la hauteur et la période des houles! Est-ce que le fait d’utiliser la houle au large pour calculer la hauteur de la houle au déferlement à la côte est pertinent?

Au lieu d’utiliser la houle provenant du large, nous utilisons la houle mesurée dans les petits fonds (-5m) donc à proximité très proche de la côte et du déferlement.

 

Figure 5: Comparaison des calculs avec hauteur de houle au large et dans les petits fonds

Figure 5: Comparaison des calculs avec hauteur de houle au large et dans les petits fonds

Figure 4: Exemple de résultats, comparaison du H/h mesuré avec celui qu est calculé

Figure 4: Exemple de résultats, comparaison du H/h mesuré avec celui qu est calculé

La figure 5, à gauche, montre la hauteur de la houle au déferlement mesurée sur la plage comparée avec la hauteur de la houle au déferlement calculée à partir de la houle au large (ronds) et à partir de la houle mesurée dans les petits fonds (triangle).

Les résultats montrent que le Hb calculé à partir de la hauteur de la houle mesurée dans les petits fonds est moins surestimée (1,72x) que si on utilise la houle mesurée au large (2,88x).

6. Conclusions

Cette petite étude relativement simple illustre parfaitement le besoin de vérifier et calibrer certaines formules mathématiques sur des sites d’étude spécifique. Ces premiers résultats montrent que certains paramètres utilisés dans ces formules ne sont pas pertinents et engendre de trop grandes surestimations.

La suite de cette étude est de déterminer une formule empirique adaptée aux plages de l’Est-Dunkerquois et plus généralement aux plages macrotidales.

Si vous avez des questions ou commentaires, n’hésitez pas à commenter cet article.