Une mouette virevolte, moqueuse.

A Wissant, en cette fin d’été, parcourant l’immensité de sable blanc, on se sent comme grisé par un univers de calme et d’espace infini, attirant les peintres et les rêveurs.

Dans le ciel noyé de couleurs pastel, un criaillement surgit de nulle part. Mes yeux alertés suivent une mouette rieuse, portée par le courant d’air tiédi s’exhalant de la mer encore bien douce. En quelques lents battements d’ailes, elle a pris son envol et plane maintenant sans apparente raison au gré de la délicate brise qui irise gentiment le bleu de la mer.

Le souffle léger l’emmène insensiblement, au loin, vers ce trait de pinceau qui limite l’espace d’eau salée séparant les deux territoires, si proches, de part et d’autre de la Manche.

La mouette oscille par-dessus tout son domaine. De ses cris stridents, elle marque son empreinte, indépendamment des autres occupants qui prétendent avoir conquis les lieux.

Curieux, je la  poursuis du regard et je m’interroge. Des deux côtés, elle a fait son nid avec les mêmes branchages, tirant de la vase les mêmes mollusques et picorant les mêmes vers de terre qui gigotent encore au bout de son bec. Rien ne l’arrête.  Elle se garde la liberté, elle, de séjourner d’un coté ou de l’autre de ce petit bassin, s’enchantant des friandises que sont les bouts de pain et autres frites bien grasses, répandus au sol, ici et là, au gré de la distraction des humains.

Au vu de ce beau plumage, insouciant et libre, pourquoi donc, nous, êtres si sophistiqués, ne pourrions nous pas nous même profiter de ce double héritage.

Comme la mouette, ne pourrions pas nous aussi, prendre de la hauteur et tirer parti du meilleur des deux rives, si complémentaires ?

 L’intérêt des populations riveraines n’est-il pas clairement de vivre ensemble en échangeant au mieux les opportunités des deux territoires riverains. Comment, au fil du temps, avons-nous laissé d’autres nous empêcher de choisir d’habiter ou de travailler sur l’une ou l’autre rive du détroit comme notre charmante petite mouette rieuse ?

Au travers de l’envolée de cet être si simple, je m’interroge sur le sens des restrictions, des barrières que d’autres ont bâties à notre barbe, empêchant les gens du Kent de profiter du foncier disponible de ce côté-ci et aux habitants de la côte d’opale de pouvoir travailler dans le Kent. N’est-il pas désolant de voir les entreprises du Kent contraintes de faire venir leur main d’œuvre de l’extrémité de l’Europe de l’est, alors que le chômage persiste juste en face ?

En attendant les très futurs outils volants sans pilote qui nous permettront de nous rapprocher du vol de la mouette, utilisons donc déjà notre option tunnel.  Comme la taupe, profitons de l’espace disponible pour prendre en main notre destin en construisant une politique transfrontalière selon l’intérêt des habitants des deux rives du détroit.

Comme nos ancêtres, reconstruisons donc une « Mare Nostrum »  en mutualisation nos territoires, si proches et si complémentaires.

Thaddée Segard